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Publié le 31.01.2023 Édité le 31.01.2023 à 13:28
Le journaliste indépendant François Remy, spécialisé dans les actifs numériques, est l’auteur du livre «Comment les banques kidnappent le bitcoin». (Photo: François Remy)
En véritable historien du bitcoin, le journaliste François Remy évoque, avec rigueur et à l’aide de nombreux exemples, l’évolution des enjeux de la monnaie numérique décentralisée dans son livre «Comment les banques kidnappent le bitcoin».
Les banques ont essayé de mettre un coup d’arrêt au bitcoin, mais elles n’y sont pas parvenues. Elles s’en sont donc emparées. C’est sur ce constat que le journaliste financier indépendant spécialisé dans les actifs numériques François Remy a signé le livre «Comment les banques kidnappent le bitcoin» aux Éditions Chronica. Au cours d’une rencontre avec Paperjam, l’auteur explique sa démarche: «Documenter et rassembler les données qui soutiennent la tendance que certains surnomment la ‘bitcoinisation’ de l’industrie bancaire ou encore la ‘Wallstreetfication’ des cryptomonnaies.»
Pourtant, de nombreuses banques se méfient encore énormément des cryptomonnaies. En témoignent les politiques de compliance de certaines d’entre elles qui interdisent encore les transactions en provenance et à destination des plateformes d’échange de cryptomonnaies. «C’est un paradoxe. Les pro-cryptomonnaies parlent de schizophrénie de la finance», souligne François Remy. Il rappelle que les institutions bancaires lorgnent toutefois les propriétés technologiques offertes par les cryptomonnaies, tant au niveau de la recherche d’efficience que de la traçabilité des flux financiers. Autant de spécificités utiles aux équipes compliance, par exemple.
La blockchain, technologie sous-jacente des cryptomonnaies, séduit d’ailleurs de plus en plus l’industrie financière. «Au regard de toutes les grandes thématiques technologiques de l’industrie, le signal est à la tokenisation», observe François Remy. Et il ajoute: «Toute la tuyauterie du système financier, qui est intermédié et régulé au possible, connaît des pertes d’énergie et d’efficience à de nombreux endroits.» Tout naturellement, les financiers s’emparent de la technologie des cryptomonnaies, permettant une baisse des coûts, une hausse de l’efficacité et une réduction du temps des transactions. «Les banques en profitent pour rattraper leur retard en numérisation.»
François Remyjournaliste et auteur
Au-delà de la technologie, de nombreux acteurs ont rapidement entendu les revendications croissantes d’une partie de leur clientèle. Sur base de discussions avec des banquiers privés, François Remy raconte l’embarras de certains professionnels: «Ils avaient des clients qui voyaient des possibilités d’atteindre des rendements très élevés en moins d’une semaine avec des cryptomonnaies et qui voulaient donc allouer des crypto-actifs à leurs portefeuilles d’investissement.» Cela dans un contexte d’épargne qui fond sur les comptes bancaires et de rendements boursiers qui peinent à convaincre. Par contre, «on voit des cryptomonnaies qui surperforment, alors on en veut», justifie le journaliste financier. 
C’est sans compter sur la concurrence menée par des néobanques et des fintech bien établies, qui a commencé à invalider le risque réputationnel des cryptomonnaies avancé par les acteurs bancaires traditionnels. Revanche de l’histoire, François Remy considère même que les institutions bancaires ont retourné la situation à leur avantage: «On observe maintenant que des banques se sont approprié les cryptomonnaies en jouant l’intermédiaire de confiance pour ces cryptomonnaies qui ont mauvaise réputation.»
François Remyjournaliste et auteur
Si l’industrie financière trace aujourd’hui son chemin dans l’univers des crypto-actifs, ce dernier fait désormais face à un nouveau récif: les banques centrales. Comparant la croisade des banques centrales contre les cryptomonnaies à l’inquiétude des entreprises de poste lors de la naissance de l’e-mail, François Remy perçoit une source d’opportunités. «Si les banques centrales, soit les acteurs historiques des monnaies, ne réagissaient pas, c’est alors que la technologie ne serait pas intéressante.»
Alors que les banques centrales accusaient, elles aussi, un retard sur le plan de la transformation technologique, la plupart d’entre elles développent à présent leurs projets respectifs de monnaie numérique centralisée. En réponse, «les banques commerciales s’inquiètent directement», signale François Remy. Citant les prévisions de Morgan Stanley en 2021, il explique que les dépôts totaux de la zone euro reculeraient de 8%, soit de 873 milliards d’euros, si tous les citoyens de plus de 15 ans transféraient leur argent vers des portefeuilles contrôlés par la BCE.
Le modèle économique des banques commerciales est-il donc menacé? Même si un flou règne encore, les monnaies numériques centralisées étant développées dans le feutré, François Remy s’attend à «un tsunami technologique en cours qui aura des conséquences sur notre système bancaire, même à titre personnel pour le citoyen». Ce qui pousse certaines institutions bancaires à développer des systèmes propres de paiement, basés sur les stablecoins adossés au dollar ou à l’euro.
François Remyjournaliste et auteur
Malgré la fronde des banquiers centraux à l’encontre des cryptomonnaies, François Remy s’attend à ce que les mondes des monnaies numériques centralisées et décentralisées soient appelés à coexister. Il en veut pour preuve l’adoption prévue en 2023 du règlement Mica encadrant l’industrie des crypto-actifs. «Si l’on a aujourd’hui un document réglementaire de 400 pages, Mica, c’est en quelque sorte une validation du marché des crypto-actifs.» La demande des consommateurs pour les crypto-actifs constitue dorénavant une réalité avec laquelle les régulateurs et législateurs doivent composer «en offrant une protection aux investisseurs et en taxant tout cela».
Cet article est issu de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg. Vous pouvez vous abonner en suivant ce lien.

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