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Accueil » Cryptomonnaies & Altcoins » Agrément PSAN obligatoire : l’Assemblée va-t-elle condamner l’industrie crypto nationale ?
Au menu : un agrément PSAN trop salé pour les cryptos ? – Le marteau de la régulation menaçait de frapper depuis de nombreuses années sur les cryptos. Une législation harmonisée à l’échelle européenne est d’ailleurs devenue très concrète en 2022 avec l’émergence de MiCA (Markets in Crypto-Assets). Toutefois, la faillite de FTX en novembre dernier semble avoir secoué les instances régulatoires qui souhaitent montrer qu’elles réagissent. Un premier coup de marteau sera asséné, ou non, ce 24 janvier 2023. Focus sur le projet de loi qui effraie tant les acteurs de l’écosystème.
11 novembre 2022. Coup de tonnerre dans la sphère cryptomonétaire. FTX, jusqu’alors le deuxième exchange mondial en terme de fonds détenus sur la plateforme, stoppe ses activités. Arrêt des retraits pour les utilisateurs. La plateforme de Sam Bankman-Fried se déclare peu après en faillite au titre du chapitre de 11 de la loi américaine. Fonds bloqués, utilisateurs floués, pertes abyssales et perte de confiance. Le cataclysme dépasse l’écosystème crypto, la nouvelle se répand à travers le monde. 10 milliards de dollars potentiellement évaporés en fumée. Une fraude d’une ampleur jamais vu depuis celle de Bernard Madoff révélée en 2008.
12 décembre 2022. Un mois plus tard, sous l’impulsion du sénateur de l’Eure, Hervé Maurey, le Sénat vote un nouveau projet de loi. Celui-ci a pour but de faire évoluer la loi Pacte votée en 2019 et devra être confirmé par un vote à l’Assemblée Nationale le 24 janvier prochain. Pour rappel, la loi Pacte fait pour l’instant foi en termes de réglementation pour les Prestataires de Service sur Actifs Numérique (PSAN). Un statut délivré par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Un projet de loi en réaction à la catastrophe FTX ? Est-il pertinent et justifié ? Quelles conséquences pour les acteurs du secteur ? C’est ce que nous allons détailler dans cet article.
Rendre l’agrément PSAN obligatoire, de quoi en retourne-t-il réellement ? Aujourd’hui, le dispositif mis en place par l’AMF se divise en deux catégories :
Optionnelle, mais peut-être plus pour longtemps. Et, c’est tout l’enjeu du vote qui se déroulera à l’assemblée le 24 janvier prochain. Ledit amendement exprime en ces termes les futures contraintes qui seront appliquées, si approbation il y a, à toutes les entreprises prétendant au titre de PSAN :
« À une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1er octobre 2023, les personnes souhaitant exercer cette profession [être PSAN] et n’étant pas enregistrées doivent demander l’agrément prévu à l’article L. 54-10-5. »
En d’autres termes, toutes les entreprises qui n’ont pas encore fait la démarche de s’enregistrer auprès de l’AMF, devront demander l’agrément PSAN d’ici au 1ᵉʳ octobre prochain. Cette étape sera obligatoire pour pouvoir proposer des prestations crypto aux Français. Pour les entreprises déjà enregistrées PSAN, toutefois, apparemment, le calendrier s’alignera sur celui édicté par la réglementation MiCA, harmonisée à l’échelle européenne. Soit un agrément PSAN rendu obligatoire seulement en avril 2026.
Ce sont donc ici tous les nouveaux acteurs crypto encore non enregistrés PSAN, et donc, pour beaucoup, débutant tout juste leur activité, qui sont directement concernés. Si l’amendement est voté, ils devront directement valider l’agrément sans passer par la case enregistrement.
L’enregistrement PSAN est actuellement nécessaire pour toute entreprise souhaitant proposer des services :
En partenariat avec l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), l’AMF étudie notamment les procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes (LCB-FT). Elle vérifie également « l’honorabilité et la compétence des dirigeants » de l’entreprise concernée. Cela passe par un dépôt de dossier en bonne et due forme et des échanges avec l’AMF.
L’agrément, quant à lui, demande de nombreux justificatifs supplémentaires, beaucoup plus complexes à obtenir. Voire impossibles à l’heure actuelle dans certains cas, comme nous le détaillerons dans la suite de cet article.
Le PSAN doit notamment justifier pour l’Agrément :
Cet amendement est particulièrement soutenu par les banquiers centraux qui souhaitent au travers d’une régulation forte, limiter le développement du secteur crypto. Dans son dernier discours, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la banque centrale française, n’est pas tendre avec l’écosystème. Pour lui, il est urgent d’encadrer le plus strictement possible le secteur. Difficile en même temps d’espérer une autre réponse de la finance traditionnelle qui voit d’un bien mauvais œil le développement d’un challenger potentiel. Les inventeurs du minitel se sont battus bec et ongle contre l’émergence d’Internet. Le scénario, ici, est sans surprise similaire.
« Tout ce désordre en 2022 nourrit une conviction simple : il est souhaitable que la France passe le plus rapidement possible à une licence obligatoire de PSAN, plutôt qu’à un simple enregistrement. »
La présidente de l’AMF, Marie-Anne Barbat-Layani, a elle aussi appuyé le passage à l’agrément obligatoire pour les PSAN du secteur crypto.
« L’AMF, comme le Parlement, appelle de ses vœux une accélération du passage au régime d’agrément obligatoire »
Paradoxalement, elle se félicite d’être ouvert à l’innovation et reconnait qu’en tout état de cause, la technologie crypto n’est pas responsable du désastre FTX. Celui-ci était « manifestement une fraude ». Et si « Madoff ne condamne pas la finance traditionnelle, [alors] FTX ne doit pas condamner la finance digitale. »
Le ministre chargé de la transition numérique, Jean-Noël Barrot, s’est quant à lui prononcé contre cet amendement.
Le hic, parce qu’il y en a un (et un gros), c’est que cet agrément est tout bonnement impossible à obtenir pour une entreprise crypto à l’heure actuelle.
Même avec la meilleure volonté du monde. Près de 60 acteurs crypto enregistrés PSAN en France, 0 agréés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Binance n’est pas agréé, et ne s’est enregistré PSAN que récemment. Des piliers du secteur comme Kraken ou Coinbase ne sont quant à eux-mêmes pas enregistrés. Des boites comme Meria (ex Just Mining) ou Stackinsat ne sont qu’enregistrés. Et, ce n’est pas étonnant.
En réalité, certains justificatifs indispensables pour obtenir l’agrément sont tout simplement hors de portée des entreprises crypto, du simple fait de leur domaine d’activité. C’est notamment le cas de l’assurance responsabilité civile professionnelle évoquée précédemment. Cette assurance pour les entreprises crypto n’existe tout simplement pas, comme l’explique Hasheur, le co-fondateur de Meria.
Les boites crypto bataillent déjà avec les banques pour pouvoir ouvrir un compte bancaire, alors obtenir une assurance… La triste réalité c’est que les assureurs fuient les acteurs cryptos comme la peste. Ces dernières sont donc dans l’impossibilité de se doter d’assurances et donc de finaliser leur dossier pour l’Agrément PSAN. Aussi réputées soient-elle au sein de l’écosystème.
Faustine Fleuret, présidente de l’Association pour le Développement des Actifs Numériques (ADAN), a d’ailleurs dénoncé le message désastreux envoyé aux acteurs crypto.
« Il est fallacieux de rapporter qu’aucun PSAN ne demande l’agrément en France, alors que certains ont engagé ce travail depuis déjà plusieurs mois. Il a en revanche été omis de mentionner que ces PSAN en cours de procédure rencontrent des difficultés pour l’obtenir et que les délais d’instruction des dossiers par l’AMF sont excessivement longs »
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Comme le dénonce en poésie, Alexandre Statchenko dans son intervention sur BFM Business, de nombreuses problématiques se posent avec cet amendement. Tout d’abord, la question de son intérêt. Car s’il s’agit d’une réaction à la catastrophe FTX, l’Agrément ne permettra en rien de résoudre le problème. Ni d’éviter l’émergence de situations similaires à l’avenir. Au contraire, cela risque plutôt de les renforcer.
En effet, FTX était un acteur étranger, non régulé en France. Le renforcement de la régulation sur notre territoire n’atteint donc pas ce type d’acteur. Elle ne fera que renfoncer des exigences régulatoires déjà conséquentes sur les entreprises françaises. Des acteurs français et européens qui subissent en outre déjà d’un calendrier régulatoire avec la mise en œuvre de MiCA. Imposer dès maintenant une réglementation aussi stricte n’a pas de sens.
Cela ne fera que tuer dans l’œuf toutes les initiatives des start-ups françaises qui émergent et tentent vaillamment de se frayer un chemin dans l’univers tumultueux de la crypto. Celles-ci n’auront alors que deux choix possibles : mourir ou partir établir leur activité à l’étranger sous un ciel réglementaire plus clément.
En décourageant l’émergence d’acteurs crypto sur notre territoire par une surrèglementation, l’Etat Français poussent littéralement la population dans les bras d’acteur étrangers non régulés et donc plus risqués. Moins il y aura d’acteurs français, plus les services étrangers non régulés gagneront en importance, plus le risque que des citoyens français soient victimes d’un FTX bis sera élevé.
Nous l’avons vu, l’assurance responsabilité civile professionnelle est impossible à obtenir. Dans ce cas, les prétendants à l’Agrément vont devoir justifier d’un minimum de fonds propres. Pour se faire, ils vont être obligés de lever des fonds. Sauf que dans ce contexte de bearmarket, c’est mission impossible.
D’autre part, l’enregistrement PSAN est déjà très coûteux en ressources humaines, en logiciels de conformités, en équipes de compliance. L’Agrément sera encore pire. Des coûts récurrents que très peu d’entreprises, même celles qui sont déjà enregistrées, auront les moyens de fournir.
D’autre part, l’AMF est déjà débordée avec les nouvelles demandes d’enregistrement PSAN qui pleuvent dans ses bureaux. Les délais d’attentes sont de plusieurs mois voire plusieurs années. La mise en application d’un tel amendement va amplifier les demandes en ajoutant par-dessus le marché toutes les demandes d’agrément. Un véritable goulot d’étranglement qui retardera fortement la mise en activité des nouveaux acteurs, voire la rendra impossible.
La suite logique sera une réduction drastique du nombre d’acteurs français dans le secteur crypto. Pour faire simple, c’est la mort assurée de toutes les petites start-ups. Seules les entreprises déjà enregistrées PSAN et ayant les reins solides pourront éventuellement continuer leur activité. Ce serait donc très clairement une perte sèche de compétitivité pour la France dans un secteur technologique clé pour l’avenir.
Car il faut bien être conscient que sur-réglementer le secteur crypto en France et à fortiori en Europe n’empêchera le développement de cette technologie à l’international. Cela provoquera comme pour internet, une fuite de cerveaux vers l’étranger qui ira établir ses activités dans des pays plus ouverts d’esprit. Et cela poussera par ailleurs les investisseurs crypto vers les géants étrangers. Comme nous avons déjà pu le constater précédemment avec Internet. Les mastodontes que l’on connait aujourd’hui sont Microsoft, Google, Amazon, Apple, Meta (ex Facebook)… Que des Américains, aucun français.
La France se réveillera alors dans 4 ans, dépassée technologiquement, comprenant alors son erreur. Mais il sera trop tard. La technologie crypto, c’est aujourd’hui qu’il faut prendre la peine de la comprendre et l’aider à se développer. Sans quoi, elle se développera sans nous.
Le vote de l’Assemblée ce 24 janvier est donc crucial. L’amendement doit être refusé afin de donner les moyens aux start-up crypto françaises de se développer. Car elles pourraient bien devenir les futurs géants de demain. Il serait dommage que pour de mauvaises raisons, cet agrément qui ne milite en aucun cas pour la protection des petits investisseurs, empêche la France de faire partie de la prochaine révolution technologique de notre monde. Celle de la blockchain et des cryptomonnaies.
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Issu d’une formation d’ingénieur, j’ai découvert le monde des cryptomonnaies en 2020. Je me suis rapidement passionné pour cet univers en pleine expansion au sein duquel se développent les innovations de demain. J’espère, au travers de mes articles, entraîner le plus grand nombre dans cette fabuleuse aventure.
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